lundi 15 septembre 2008

Si j’étais président

Mi tchissié tchin angounda
Ma parole du lundi

Le dire ou… périr. Si j’étais président, je commencerais par le commencement : m’entourer de gens qui satisferaient à quatre exigences majeures : la compétence, la performance — ce ne sont pas les mêmes choses — la droiture morale, l’aptitude au renoncement. Renoncement aux vanités de ce monde : le luxe, l’argent facile et non mérité, les maisons coûteuses et aux prix de construction hors de la bourse d’un fonctionnaire de l’Etat (fût-il haut fonctionnaire), les cylindrées à fesses-que-veux-tu ?


Ces quatre exigences me permettront de composer un gouvernement sélectif, fait des meilleurs (dans leurs domaines respectifs) que notre société aura produits dans les secteurs essentiels d’activités qui déterminent la vie d’une nation. Les voici, dans l’ordre des urgences et valeurs que j’aurais déterminées :
1. La Culture et l’Education nationales
2. La Défense et la Sécurité
3. L’Economie et les Finances
4. L’Environnement, l’Urbanisation et la Construction
5. La Santé
6. L’Agriculture et la Paysannerie
7. L’Industrie, le Commerce et la Condition ouvrière
8. La Justice, l’Ethique, la condition de la Femme
9. Le Travail et l’Enseignement professionnel
10. la Science et la technologie
11. La Communication et l’Information
12. Le Sport, les Loisirs et la Qualité de la vie.

Ce sera donc un gouvernement de 12 ministres. Les 12 hommes les plus méritants, les plus performants, les plus productifs, les plus exemplaires d’entre la population de plus de 18 millions que nous sommes actuellement. Ils seront au nombre de 12… comme les tribus antiques d’Israël ; douze, comme les apôtres du Christ. Comme eux, ils seront les hommes du renoncement et du risque ; le risque de tracer une voie nouvelle, le risque aussi d’être incompris ; mais le risque, surtout, de montrer un chemin autre que celui, large et vulgaire promu par les chefs nuls, brouillons, nègres, bavards et rigolards qui ont détruit ce pays naguère promesse dans l’océan des désespérances que donne à voir ce continent. Ils seront 12. Rien que 12 ; mais 12 volontaires. Mieux que Stakhanov, ils seront des samouraïs de la tâche, des gens de l’honneur suprême : aptes et prêts au suicide, en cas d’échec ! Bref, ils seront l’élite ; et comme tels, ils seront des modèles, des icônes pour des générations…

Douze, 12 ministres, afin de réduire le train de vie de l’Etat. Douze, pour gagner en efficacité ; 12, afin de montrer aux nègres que les gouvernements de 30, 50, 40 ou 75 ministres sont inutilement lourds, dispendieux, protocolaires et improductifs ; pis, ce sont des rendez-vous de prédateurs… comme ces rebelles aux joues devenues grasses, ces mauvais étudiants guévaristes en costumes et cravates qui roulent dans les cylindrées noires climatisées, dorment dans des palaces, bénéficient d’une garde de sécurité impressionnante, ont des budgets de souveraineté, des salaires, dirigent des gouvernements légaux tout en continuant d’occuper illégalement une grande partie du territoire national avec leurs filous ! Une autre histoire de nègres ! Mais qui, qui donc pourrait nous débarrasser de toute cette racaille ?...

Ah, si j’étais président ! Je mettrais au travail toute cette jeunesse infectée de zouglou anharmonique, de coupé décalé bruyant ; cette jeunesse amante des trottoirs désolés ; ces bras oisifs, toute cette énergie vagabonde, tout ce gaspillage inacceptable et incompréhensible de notre réservoir de rêves et d’espoirs ruinés par des politiques de dirigeants truands qui ont tronqué l’idéal d’hier contre la satisfaction égoïste de règnes autocentrés — roi anachronique terrorisant un peuple de sujets sans défenseur ! Bon dieu, où, mais où donc est l’opposition dans ce pays ? Dans les journaux. Rien que les journaux ! Déclarations farfelues ! Culte de la personnalité ! Des sondages bidons ! Quelques meetings de temps à autre (pour se rappeler qu’ils sont dans l’opposition !) et se donner l’illusion d’être encore une voix (e) qui compte. Et la rue ? Elle est occupée par le roi, ses barbouzes, ses sbires : la rue, c’est sa culture de base ; alors, il la politise à outrance et fait une politique de rue et de la rue ! N’importe quoi !...

Si j’étais président ! Je suspendrais le mandat de tout maire dont le quartier serait sale, mal organisé, bruyant, mal géré, mal éclairé et en nommerait d’autorité un autre avec des impératifs et un échéancier précis. Si j’étais président, j’interdirais, conformément aux dispositions constitutionnelles, toute propagande religieuse sur les antennes de la télévision de l’Etat laïc que je suis chargé d’administrer. Si j’étais président, je ferais interdire l’accès des médias d’Etat à tout pasteur qui promettrait des miracles au peuple ; parce que le seul miracle dont nous avons besoin, c’est la reconversion de mon peuple aux vertus de l’effort, du travail, de la confiance en soi.

Si j’étais président, je demanderais à tout policier de rédiger un dossier de cinq pages manuscrites (sans ratures) sur tout véhicule qu’il aurait arrêté pour contrôle ; ces pages devront être cosignées par le conducteur ; j’exigerais de même de chaque policier, un rapport de dix pages (toujours manuscrites et sans ratures) sur toute personne à qui il aurait demandé les papiers d’identité, alors que rien ne justifiait ce contrôle. Si j’étais président, je suspendrais le mandat de tout maire qui laisserait des policiers mettre des pneus sur les voies publiques, afin d’empêcher la fluidité routière. Le commissaire du secteur incriminé serait suspendu de six mois de salaire avec comme punition, assurer la garde de nuit, les jours de pluie, à l’entrée de l’hôpital psychiatrique de Bingerville ! Pendant 19 mois...

Si j’étais président, je serais le premier à faire les sacrifices lorsque les Américains et les Arabes s’amuseraient à provoquer une crise du pétrole qui accentuerait les difficultés de mon peuple. Si j’étais président, je ne chercherais pas à tricher pour me maintenir au pouvoir, ni à diviser l’opposition pour montrer mes capacités de nuisance et faire honneur à ma (sale) réputation de monstre politique. Si j’étais président, j’aurais eu honte d’avoir signé un mandat infernal, un mandat souillé par le sang, les scandales financiers, le non respect de l’éthique…

Si j’étais président d’un pays comme cette Côte d’Ivoire que j’ai conduite au désastre en détruisant sa jeunesse scolaire et estudiantine, et en souillant la conscience des adultes par l’argent de la corruption qu’est mon impressionnant budget de souveraineté… eh bien, si j’étais ce président-là, j’annoncerais superbement ma démission de l’Exécutif, ou bien je disparaîtrais dans un honorable suicide !

Le dire ou… périr : notre constitution devrait songer à prendre en compte, le suicide du Président de la République en cas d’échec dûment constaté par les (véritablement) libres penseurs du pays. Cela éviterait les coups d’Etat, les rebellions et rebelles stupides et inconséquents… comme les nôtres.

lundi 8 septembre 2008

Gouvernements bonbons

Mi kissié tchin angounda
Ma parole du lundi


Le dire ou… périr. La manière dont les uns et les autres (les politiciens et les journalistes politiques de notre pays) posent la question du prochain remaniement ministériel me paraît manquer de raison, de bon sens républicain et d’approche progressiste, sinon évolutionniste : ce remaniement, en effet, est perçu comme une mesure à l’encontre de l’opposition. Et l’on suspecte même le chef de l’Etat (qui, depuis la signature de l’accord de Ouga, a retrouvé son manteau de Président de la République — l’a-t-il d’ailleurs jamais perdu) de vouloir faire entrave au processus devant aboutir à la prochaine présidentielle, en envisageant la dissolution du l’actuel gouvernement. Et c’est tout juste si au RHDP, l’on ne crie pas au complot. Disons-le tout net : n’exagérons pas !...


Le gouvernement sera-t-il dissous ou non ? Suspens de grand feuilleton ! « Soro et Gbagbo s’entredéchirent à propos de la dissolution du gouvernement ». « Conseil de ministres, le Président Gbagbo déclare : j’étais venu pour dissoudre le gouvernement ! » Et les journaux du pays d’illustrer cette déclaration avec une photo de notre chef-bien-aimé dans une des postures qui le caractérisent le plus : le sourire banania ! Et tout le pays vit au rythme de ces niaiseries qui ne sont pas sans nous rappeler l’époque si reculée et si proche d’Houphouët, l’homme qui faisait et défaisait les destins ; Houphouët, celui par qui le bonheur était possible et en dehors de qui, rien ne pouvait être possible dans notre Côte d’Ivoire d’hier aux pratiques politiques moyenâgeuses (les motions de soutien, les serments d’indéfectibles attachement à la personne du chef, etc., les mystifications verbales de Balla Kéita et Laurent-Dona Fologo, mégaphones des princes) ; cette Côte d’Ivoire ennuyeuse que nous avions à cœur de refonder pour créer un Etat moderne, sous la guidance éclairée d’un certain Gbagbo Laurent alerte à déceler les défaillances du régime d’alors ; Gbagbo, le verbe insolent, le front luisant de sueur batailleuse, la poitrine intrépide et courageuse comme celle d’un guerrier de l’âge du feu ! Comme bon nombre d’entre nous ont dû déchanter depuis ! Et comme nous avons de la peine à retenir en nous, ce rire tragique qui trahit notre profonde déception…


Bref, revenons à notre sujet du jour : le remaniement ministériel. Je me demande ce que le chef de l’Exécutif attend pour le faire. Qu’est-ce qui pourrait même l’empêcher de le faire, si tant est qu’il ait envie de le faire ? En réalité, je ne comprends pas la logique de la longévité de ce gouvernement qui, à en croire M. Fologo le nouveau mégaphone de M. Gbagbo et de la refondation, conspire régulièrement contre ce don de Dieu qu’est Gbagbo pour la Côte d’Ivoire. Questions : y a t-il quelque chose qui oblige sérieusement M. Gbagbo à tolérer l’existence de ce gouvernement qui entraverait son action politique ? Après avoir déchiré la 1721, après s’être offert le luxe insolent de ‘‘chasser Charles Konan Banny’’, après avoir revendiqué (et obtenu de la communauté internationale) le droit à une solution endogène de la crise ivoirienne, qu’est-ce qui empêche vraiment M. Gbagbo et ses refondateurs de mettre en place le gouvernement de leur choix pour conduire leur fameux programme ?


M. Gbagbo et les refondateurs ne vont pas encore nous dire qu’ils n’ont pas pu mettre en pratique leur programme parce qu’ils ont été contrariés par les gouvernements ‘‘bâtards’’ (l’expression est de César Etou) issus de Marcoussis ! Le gouvernement issu de l’accord de Ouaga est, en toute logique politique, celui mis en place volontairement et sans contrainte aucune de nulle part, par le chef de l’Etat ivoirien et son élève et ami, Soro, qui s’opposa à lui, à travers une rébellion meurtrière dont les réelles motivations sont à découvrir et restent à être analysées par l’histoire...


Le dire ou… périr : je suis tout à fait d’accord avec le chef de l’Etat (aucun Ivoirien ne dira que c’est une habitude chez moi) sur la question du remaniement ministériel. Mon avis profond là-dessus est même que M. Gbagbo devra aller jusqu’au bout de sa logique en (re) mettant la Primature entre les mains de M. Affi Nguessan, et en composant un gouvernement exclusivement FPI. Il n’a aucune crainte à se faire sur ce point : la rébellion (ou ce qu’il en reste aujourd’hui) ne peut plus effrayer le moindre peloton des Fanci. Ensuite, elle s’est suffisamment discréditée aux yeux de l’opinion nationale aussi bien qu’extérieure, pour que M. Gbagbo puisse lui porter l’estocade sans que cela n’émeuve personne : l’opinion extérieure et les Ivoiriens lucides ont fini par comprendre que cette rébellion n’a finalement été qu’une de ses fâcheuses duperies politiques que les bégaiements de l’histoire ont l’art d’offrir aux opportunistes qui ont du flair…


Le dire ou… périr : le remaniement ministériel, s’il a vraiment lieu, aura à mon sens, trois grands mérites : clarifier la carte politique en imposant une ligne Maginot entre la classe dirigeante et la classe opposante ; ôter à M. Gbagbo et aux refondateurs, l’alibi de l’échec ou de la responsabilité partagé (e) ; enfin, c’est, je le pense, l’opposition elle-même qui bénéficiera de ce remaniement, car désormais libérés du chantage des ‘‘postes ministériels bonbons’’, les ministres du RHDP se réconcilieront avec leurs partis d’origine, retrouveront leurs militants pour agir activement dans l’opposition, sans plus le poids et la contrainte du devoir de réserve et de la solidarité gouvernementale.


In Le Nouveau réveil du 20 juillet 2008


samedi 10 mai 2008

Les désespérances d'une refondation mauvaise (1)

Le drame de l'école ivoirienne

Denis1, juste cet email pour te dire que je suis absent du pays, depuis le 21 novembre. Je suis en Californie, pour la cérémonie de « Graduation » de mon fils qui vient d'obtenir le Master en Sciences de l'Informatique. Ce fut une grande et belle cérémonie, qui m'a révélé tout le respect que les Américains accordent au Savoir et à l'Education. C'était très émouvant, Denis ! C'était quelque chose d’assimilable aux cérémonies de sortie du « Bois sacré », que nos vieilles sociétés avaient su concevoir, pour célébrer l'Education des enfants et, par-delà, celle du citoyen qui allait, bientôt, se mettre au service de sa société.

Inutile, Denis, de te dire que j'étais fier de mon fils. De le voir (un des rares Noirs de cette Université et, bien sûr, le seul Ivoirien), être congratulé par le président de l'Université, d'être félicité par ses camarades étudiants, et de poser, fièrement, devant le drapeau américain !...

Et je me suis alors demandé : « Quand créerons-nous ce type d'institutions, où les plus brillants de nos écoles et universités, iront poser, fièrement, devant le drapeau national ? » En tout cas, pas sous le régime ''intelligentivore'' des refondateurs, dont le seul souci est de s'enrichir en pillant, de manière éhontée, les richesses de notre pays, pour s'acheter des cylindrées et se construire des châteaux nègres. Comme c'est nul et triste !!!

Combien d'enfants brillants de notre pays, se retrouvent-ils, aujourd'hui, au bord des trottoirs, ne sachant quoi faire de leurs diplômes, ni à quelle porte frapper, pour avoir du travail ? A peine son diplôme obtenu, mon fils a, aujourd'hui, l'embarras du choix, face aux multiples propositions d'embauche qu'on lui fait. Et, tout comme lui, j'ai pensé aux milliers de gosses brillants de notre pays, qui n'ont pas eu ces opportunités qu'il a, lui. Et j'ai mesuré tout le poids des insuffisances de nos dirigeants — les actuels surtout. Laurent Gbagbo et son régime sont coupables du plus grand crime qu'un régime puisse perpétrer contre un peuple : tuer l'intelligence. Assassiner la jeunesse. Tuer la Culture du Travail. Ce noble concept de Travail qui est, pourtant, un des mots clé de la devise de notre beau pays d'hier !...

Quand j’ai évoqué la question de son retour au pays, mon fils m'a dit : « Désolé, papa, mais je ne peux plus retourner en Afrique. La Côte d'Ivoire n'a rien à me proposer ». Cela faisait un bon bout de temps qu’il me tenait de tels propos, dans ces emails. Mais je m’étais dit que c’est une question que j’allais régler, dès que je le retrouverai, là-bas, en Californie. Et je l’ai vu. Nous avons échangé sur la question, et j’ai compris qu’il était déterminé dans son choix. Mais j’ai surtout compris que ce n'est pas à lui, personnellement, que ce pays et ce régime n'ont rien à proposer. C'est à toute cette jeunesse ivoirienne sacrifiée sur l'autel des rêves débiles d'un petit monarque attardé qui s'appelle Gbagbo Laurent.

Ah, ce Gbagbo et son amour des clubs et motions de soutien, ses rires et larges sourires ‘‘bananias’’, ses déclarations tonitruantes et renversantes, ses milices, ses patriotes, ses éditions télé sur sa personne, ce culte ridicule, nègre et anachronique de la personnalité, ce... je ne sais même plus quoi. Comment un homme qui a fait des études jusqu'à un niveau universitaire, écrit des livres, proposé des idées qui nous ont fait rêver, et incarné tant d’espoirs, peut-il être si rétrograde, si ‘‘villageois’’, en matière de gestion d'un peuple, dès que parvenu au pouvoir ? Comme de nombreux étudiants ivoiriens de ma génération, j’étais convaincu que cet homme nous ferait avancer, et qu’il ferait mieux qu’Houphouët et le PDCI, ce régime de « ministres tocards » — c’est lui, Gbagbo, qui l’a dit, au cours des années 1990, sur les antennes de la télévision ivoirienne. Et j’étais d’accord avec lui, tant le PDCI nous paraissait incompétent, nul, en comparaison avec ce que Gbagbo nous promettait de faire, quand il serait parvenu au pouvoir. Il a eu, enfin, ce pouvoir tant convoité ! Et j’ai vu, nous avons, tous, vu, ce qu’il nous a servi et continue de nous servir : un règne médiocre, décevant, comique…

Note:
1/ Denis Kah Zion, Directeur de publication Le Nouveau Réveil

Les désespérances d'une refondation mauvaise (2)

Houphouët : une voie

Denis, j'ai vu et visité la Cal state — l'Université où mon fils a fait ses études. Et j'ai pu évaluer et mesurer tout l'intérêt que le président Houphouët avait accordé à la chose éducationnelle, dans notre pays : oui, je te le dis, les Grandes Ecoles de Yamoussoukro n'ont rien à envier, du point de vue de l'infrastructure (conception architecturale, étendue de l'établissement, viabilité de l'espace — parkings, salles de jeux, terrains de sports, salles d'études, amphithéâtres, etc.), à ce que j'ai vu dans cette prestigieuse université de la Californie, ainsi que d'autres de cet Etat prospère des USA. Et mon respect pour l'œuvre accomplie par Houphouët et le PDCI, s'est décuplé.

Au cours d’une causerie, j'ai dit à des professeurs de cette université (dans un anglais obscur — je ne suis pas un disciple de Shakespeare), qui me vantaient la qualité infrastructurelle de leur établissement, qu'en Côte d'Ivoire, on en avait de pareilles ; et qu'elles avaient été construites par Félix Houphouët-Boigny, notre premier président. J’ai vu qu’ils étaient sceptiques ; et puis, apparemment, ils ne savaient pas qui était ce Houphouët-Boigny — ce qui avait donc renforcé leur scepticisme ; et je les comprends. Mais mon fils (qui a fait l’Institut Polytechnique de Yamoussoukro) est venu à mon secours, en confirmant (dans un anglais honnête) mes propos. Et là, ils m'ont paru moins sceptiques...

Plus que jamais donc, je reste convaincu qu’Houphouët, par son refus du misérabilisme et de l'ignorance, fut une réponse aux problèmes du Tiers-monde, précisément de l'Afrique. Oui, refuser la tourmente des discours et slogans ravageurs, former patiemment et sérieusement ses cadres, transformer qualitativement nos cerveaux pour nous amener à rivaliser avec ceux qui nous avaient vaincus, hier, par leur savoir, et parvenir à leur ‘‘voler’’ le secret de leur réussite afin de relever le défi du développement : voilà, en gros, l’exposé de la politique d’Houphouët et de son parti. C’était une grande vision, et une politique saine de construction d’un pays et d’une nation qui aspirent à l’élévation ! Et c’est ce que Félix Houphouët-Boigny, à l’instar de la majestueuse Grande Royale de Cheick Hamidou Kane (in L’aventure ambigüe), avait compris et entrepris de faire, pour nous. Pour l’Afrique.

Oui, aujourd’hui, plus qu’hier, il faut aller à leur école, cette Ecole de l’efficacité et du rendement, pour « apprendre à lier le bois au bois » afin de pouvoir « construire des édifices de bois », et « vaincre sans avoir raison — C. H. Kane ». Là se trouve notre salut. Les Asiatiques l’ont compris. Aujourd’hui, sur le terrain de l’inventivité technologique qui était leur fief, les Allemands, les Français et les Américains, courtisent l’Inde, la Chine et le Japon. Pendant ce temps, l’Afrique et ses Kagamé, ses Gbagbo, ses Biya, ses Wade…, prospèrent dans la culture du crime, du délire mystique, des louanges moyenâgeuses, du tam-tam, du népotisme infect, de la transe face à l’argent facilement acquis.

Quand je pense au sabotage de l'Ecole auquel se livrent les refondateurs (des enseignants), dans mon pays, je ne peux qu'être de plus en plus convaincu de la justesse de mon positionnement politique et idéologique actuel : le Néo-houphouétisme ; et, surtout, être révolté contre ce régime, qu'il nous faut continuer de combattre. Avec acharnement. Le combattre, Denis. Le combattre, avec tous les risques que cela suppose, car ils ont détruit le temple de l’Intelligence. Ce que le paysan Houphouët avait compris, il y a de cela plus d’un demi-siècle, les universitaires de la refondation n’ont pas réussi à comprendre, malgré l’épaisseur de leurs parchemins. Ils sont mauvais. Et pour cela, rien que pour cela, je ne cesserai de les combattre, afin de permettre à la Côte d’Ivoire de rêver à sa renaissance et de la réaliser, sous la gouvernance de cerveaux sains, d’âmes salubres et de mains expertes...

Cela fait plus d’une décennie que le célèbre Lycée scientifique de Yamoussoukro d’où sont sortis des cerveaux scientifiques comme Fofana Mouramane, est tombé en désuétude. J’avais espéré que notre régime d’enseignants avec, à sa tête, M. Gbagbo, réhabiliterait cet établissement, afin de donner un signal fort et lisible quant à notre intention de promouvoir l’esprit scientifique. Que neni ! En lieu et place d’une réhabilitation du Lycée scientifique, M. Gbagbo est allé construire un… vilain palais chinois de députés, à Yamoussoukro. Et il s’attèle à la construction d’un Sénat. C’est tout dire de l’intérêt que ce régime porte à l’avenir de la jeunesse et au progrès de la Côte d’Ivoire ! Comment peut-on croire et vouloir enseigner aux jeunes gens que, la seule chose qui importe dans une vie, (surtout si on est un fils de pauvre) c’est de faire de la politique, afin de devenir, un jour président ?

Cela fait plus d’une décennie que le diplôme du Bac est réduit à un misérable bout de papier (une attestation) que l’on tend à nos lycéens. On en connait la raison : il n’y a pas d’argent pour imprimer ces diplômes ! Il n’y a pas d’argent ; mais les parcs autos de nos ministres de l’Education, sont fournis plus que de raison, et ces ministres sont des gens prospères ! Les enseignants se cachent, et opèrent nuitamment, comme des larrons, pour afficher, sur des tableaux sales et suspects, les résultats des examens et concours ! Tout, dans nos pays, est régi par la symbolique de la nuit, et soumis à la sémantique de l’obscur et du bizarre. Pourquoi ne pas récompenser, au vu et au su de tout le monde, les meilleurs d’entre nous ? Pourquoi ne pas célébrer, officiellement, sans calcul politicien, les plus brillants d’entre nos élèves et étudiants ? Pourquoi ne pas dresser des stèles aux intelligences révélées et affirmées ? Le président de la République n’a pas à offrir un déjeuner télévisé aux élèves méritants. C’est le rôle des institutions scolaires et universitaires…

Les désespérances d'une refondation mauvaise (3)

Rêver le progrès

Fofana Mouramane, dans son livre « Rêver le progrès » avait affirmé, après avoir visité la Silicone Valley, que nous étions capables d’en réaliser, en Côte d’Ivoire. Il était jeune, et il croyait encore au rêve d’une Afrique et d’une Côte ambitieuses. Il a déchanté depuis !

Dans la Côte d’Ivoire de Gbagbo, seule la politique paye. Les dribles, feintes machiavéliques et autres tacles stupéfiants du nouveau monarque à ses adversaires politiques, sont considérés comme une marques de génie ! Un talent inouï de politicien ! Et même le respectable Laurent-Dona Fologo, ne se gène pas pour proclamer, superbe de ridicule : « Gbagbo est un don de Dieu ! ». Ce n’est plus de la mystification politique ; c’est un délit conceptuel. Un affreux rapt éthique !...

« Désolé, papa, mais je ne peux plus retourner en Afrique. La Côte d'Ivoire n'a rien à me proposer ». Je n'ai rien pu répondre à mon fils. Quelle réponse, d’ailleurs, lui donner, Denis ? Tragédie d'un père ! Désolation d’un enseignant vexé…

« La Côte d'Ivoire n'a rien à me proposer ! » Cette phrase continue de me tourmenter, Denis. Hier, sous Houphouët, tous ceux de ma génération, qui faisaient des études à l'étranger, étaient pressés de rentrer au pays en quittant, qui, la France, qui, l'Allemagne, les USA, le Japon, la Belgique, etc., pour venir travailler en Côte d'Ivoire, et se mettre au service du pays. Aujourd'hui, nos enfants nous disent : « (...) je ne veux plus retourner en Côte d'Ivoire. Mon pays n'a rien à me proposer »...

Et ils sont, ainsi, des milliers de jeunes, qui rêvent de se retrouver de l'autre côté de la mer. Les plus désespérés d'entre eux s'embarquent sur les pirogues de la mort, pour tenter de séduire la chance ou... la mort. En Europe. Parce que l'Afrique et ses roitelets du genre Gbagbo, Wade, Paul Biya..., parce que la Côte d'Ivoire de Gbagbo et ses chefs guerriers, ses Com zones, ses Com théâtres, ses dozos, ses rebelles repentis, ses malfrats politiques avides de sang juvéniles pour asseoir des pouvoirs démoniaques et incompétents, n'ont rien à offrir à leurs jeunesses. Rien d’autre que l’amertume pour les idéalistes déçus, la menace d’un infarctus, des conteneurs d’alcool pour ‘‘idiotiser’’ les jeunes, la bible pour les paradis artificiels, et l’art de la reptation indigne, pour les caméléons politiques, uniquement soucieux de… faire bouillir leurs marmites grosses comme des chaudrons du diable !

En Côte d'Ivoire, précisément, rien d’autres que de l'argent facile, en récompense au militantisme politique : villas, gardes de corps, comptes en banques, véhicules, chauffeurs, etc., sont immédiatement assurés à de petits vauriens, incultes, tricheurs et assassins de bas étages ; tous, camouflés sous les manteaux de ‘‘Patriotes’’, de ‘’Rebelles’’, ou de ‘‘défenseurs de la légalité républicaine’’ ! Des mots, rien que des mots vilains, vides et suspects, pour maquiller la médiocrité et la soif de grandeurs malsaines qui ruinent leurs âmes...

J'ai rencontré, à San Francisco, une communauté d'Ivoiriens. Elle m'y avait invité pour un débat sur « La crise, la société ivoirienne, et le Néo-houphouétisme ». Elle a profité de cette occasion pour vous transmettre, à toi et tes collaborateurs de Le Nouveau Réveil, ses encouragements, pour le noble combat que vous menez. Ce débat s'est tenu sur l'initiative d'Adoubou Traoré, un condisciple du Lycée moderne de Korhogo. C'est un garçon brillant. Il fut le major de notre promotion...

Tous ceux qui étaient de cette rencontre, étaient des gens bien placés à San Francisco. Ils travaillent, tous, dans de grosses structures. Et ils se suffisent. Ce sont, tous, des cadres ivoiriens, brillants et sollicités aux USA, par de respectables boîtes américaines. Adoubou Traoré (alias Tom — pour les amis), est Directeur exécutif d'un Centre qui s'occupe des Immigrés et des Réfugiés politiques de tous pays. Il rencontre des personnalités importantes de la ville de San Francisco. Il m'a fait la proposition (une plaisanterie sans doute, entre amis de longue date) de m'inscrire sur la liste de ‘‘ses réfugiés’’ ! Je lui ai dit : « Merci, pour ta gentillesse. Mais je ne peux pas quitter la Côte d'Ivoire et abandonner, comme cela, le combat que nous y menons contre l'incurie du régime de Gbagbo »...