lundi 15 septembre 2008

Si j’étais président

Mi tchissié tchin angounda
Ma parole du lundi

Le dire ou… périr. Si j’étais président, je commencerais par le commencement : m’entourer de gens qui satisferaient à quatre exigences majeures : la compétence, la performance — ce ne sont pas les mêmes choses — la droiture morale, l’aptitude au renoncement. Renoncement aux vanités de ce monde : le luxe, l’argent facile et non mérité, les maisons coûteuses et aux prix de construction hors de la bourse d’un fonctionnaire de l’Etat (fût-il haut fonctionnaire), les cylindrées à fesses-que-veux-tu ?


Ces quatre exigences me permettront de composer un gouvernement sélectif, fait des meilleurs (dans leurs domaines respectifs) que notre société aura produits dans les secteurs essentiels d’activités qui déterminent la vie d’une nation. Les voici, dans l’ordre des urgences et valeurs que j’aurais déterminées :
1. La Culture et l’Education nationales
2. La Défense et la Sécurité
3. L’Economie et les Finances
4. L’Environnement, l’Urbanisation et la Construction
5. La Santé
6. L’Agriculture et la Paysannerie
7. L’Industrie, le Commerce et la Condition ouvrière
8. La Justice, l’Ethique, la condition de la Femme
9. Le Travail et l’Enseignement professionnel
10. la Science et la technologie
11. La Communication et l’Information
12. Le Sport, les Loisirs et la Qualité de la vie.

Ce sera donc un gouvernement de 12 ministres. Les 12 hommes les plus méritants, les plus performants, les plus productifs, les plus exemplaires d’entre la population de plus de 18 millions que nous sommes actuellement. Ils seront au nombre de 12… comme les tribus antiques d’Israël ; douze, comme les apôtres du Christ. Comme eux, ils seront les hommes du renoncement et du risque ; le risque de tracer une voie nouvelle, le risque aussi d’être incompris ; mais le risque, surtout, de montrer un chemin autre que celui, large et vulgaire promu par les chefs nuls, brouillons, nègres, bavards et rigolards qui ont détruit ce pays naguère promesse dans l’océan des désespérances que donne à voir ce continent. Ils seront 12. Rien que 12 ; mais 12 volontaires. Mieux que Stakhanov, ils seront des samouraïs de la tâche, des gens de l’honneur suprême : aptes et prêts au suicide, en cas d’échec ! Bref, ils seront l’élite ; et comme tels, ils seront des modèles, des icônes pour des générations…

Douze, 12 ministres, afin de réduire le train de vie de l’Etat. Douze, pour gagner en efficacité ; 12, afin de montrer aux nègres que les gouvernements de 30, 50, 40 ou 75 ministres sont inutilement lourds, dispendieux, protocolaires et improductifs ; pis, ce sont des rendez-vous de prédateurs… comme ces rebelles aux joues devenues grasses, ces mauvais étudiants guévaristes en costumes et cravates qui roulent dans les cylindrées noires climatisées, dorment dans des palaces, bénéficient d’une garde de sécurité impressionnante, ont des budgets de souveraineté, des salaires, dirigent des gouvernements légaux tout en continuant d’occuper illégalement une grande partie du territoire national avec leurs filous ! Une autre histoire de nègres ! Mais qui, qui donc pourrait nous débarrasser de toute cette racaille ?...

Ah, si j’étais président ! Je mettrais au travail toute cette jeunesse infectée de zouglou anharmonique, de coupé décalé bruyant ; cette jeunesse amante des trottoirs désolés ; ces bras oisifs, toute cette énergie vagabonde, tout ce gaspillage inacceptable et incompréhensible de notre réservoir de rêves et d’espoirs ruinés par des politiques de dirigeants truands qui ont tronqué l’idéal d’hier contre la satisfaction égoïste de règnes autocentrés — roi anachronique terrorisant un peuple de sujets sans défenseur ! Bon dieu, où, mais où donc est l’opposition dans ce pays ? Dans les journaux. Rien que les journaux ! Déclarations farfelues ! Culte de la personnalité ! Des sondages bidons ! Quelques meetings de temps à autre (pour se rappeler qu’ils sont dans l’opposition !) et se donner l’illusion d’être encore une voix (e) qui compte. Et la rue ? Elle est occupée par le roi, ses barbouzes, ses sbires : la rue, c’est sa culture de base ; alors, il la politise à outrance et fait une politique de rue et de la rue ! N’importe quoi !...

Si j’étais président ! Je suspendrais le mandat de tout maire dont le quartier serait sale, mal organisé, bruyant, mal géré, mal éclairé et en nommerait d’autorité un autre avec des impératifs et un échéancier précis. Si j’étais président, j’interdirais, conformément aux dispositions constitutionnelles, toute propagande religieuse sur les antennes de la télévision de l’Etat laïc que je suis chargé d’administrer. Si j’étais président, je ferais interdire l’accès des médias d’Etat à tout pasteur qui promettrait des miracles au peuple ; parce que le seul miracle dont nous avons besoin, c’est la reconversion de mon peuple aux vertus de l’effort, du travail, de la confiance en soi.

Si j’étais président, je demanderais à tout policier de rédiger un dossier de cinq pages manuscrites (sans ratures) sur tout véhicule qu’il aurait arrêté pour contrôle ; ces pages devront être cosignées par le conducteur ; j’exigerais de même de chaque policier, un rapport de dix pages (toujours manuscrites et sans ratures) sur toute personne à qui il aurait demandé les papiers d’identité, alors que rien ne justifiait ce contrôle. Si j’étais président, je suspendrais le mandat de tout maire qui laisserait des policiers mettre des pneus sur les voies publiques, afin d’empêcher la fluidité routière. Le commissaire du secteur incriminé serait suspendu de six mois de salaire avec comme punition, assurer la garde de nuit, les jours de pluie, à l’entrée de l’hôpital psychiatrique de Bingerville ! Pendant 19 mois...

Si j’étais président, je serais le premier à faire les sacrifices lorsque les Américains et les Arabes s’amuseraient à provoquer une crise du pétrole qui accentuerait les difficultés de mon peuple. Si j’étais président, je ne chercherais pas à tricher pour me maintenir au pouvoir, ni à diviser l’opposition pour montrer mes capacités de nuisance et faire honneur à ma (sale) réputation de monstre politique. Si j’étais président, j’aurais eu honte d’avoir signé un mandat infernal, un mandat souillé par le sang, les scandales financiers, le non respect de l’éthique…

Si j’étais président d’un pays comme cette Côte d’Ivoire que j’ai conduite au désastre en détruisant sa jeunesse scolaire et estudiantine, et en souillant la conscience des adultes par l’argent de la corruption qu’est mon impressionnant budget de souveraineté… eh bien, si j’étais ce président-là, j’annoncerais superbement ma démission de l’Exécutif, ou bien je disparaîtrais dans un honorable suicide !

Le dire ou… périr : notre constitution devrait songer à prendre en compte, le suicide du Président de la République en cas d’échec dûment constaté par les (véritablement) libres penseurs du pays. Cela éviterait les coups d’Etat, les rebellions et rebelles stupides et inconséquents… comme les nôtres.

lundi 8 septembre 2008

Gouvernements bonbons

Mi kissié tchin angounda
Ma parole du lundi


Le dire ou… périr. La manière dont les uns et les autres (les politiciens et les journalistes politiques de notre pays) posent la question du prochain remaniement ministériel me paraît manquer de raison, de bon sens républicain et d’approche progressiste, sinon évolutionniste : ce remaniement, en effet, est perçu comme une mesure à l’encontre de l’opposition. Et l’on suspecte même le chef de l’Etat (qui, depuis la signature de l’accord de Ouga, a retrouvé son manteau de Président de la République — l’a-t-il d’ailleurs jamais perdu) de vouloir faire entrave au processus devant aboutir à la prochaine présidentielle, en envisageant la dissolution du l’actuel gouvernement. Et c’est tout juste si au RHDP, l’on ne crie pas au complot. Disons-le tout net : n’exagérons pas !...


Le gouvernement sera-t-il dissous ou non ? Suspens de grand feuilleton ! « Soro et Gbagbo s’entredéchirent à propos de la dissolution du gouvernement ». « Conseil de ministres, le Président Gbagbo déclare : j’étais venu pour dissoudre le gouvernement ! » Et les journaux du pays d’illustrer cette déclaration avec une photo de notre chef-bien-aimé dans une des postures qui le caractérisent le plus : le sourire banania ! Et tout le pays vit au rythme de ces niaiseries qui ne sont pas sans nous rappeler l’époque si reculée et si proche d’Houphouët, l’homme qui faisait et défaisait les destins ; Houphouët, celui par qui le bonheur était possible et en dehors de qui, rien ne pouvait être possible dans notre Côte d’Ivoire d’hier aux pratiques politiques moyenâgeuses (les motions de soutien, les serments d’indéfectibles attachement à la personne du chef, etc., les mystifications verbales de Balla Kéita et Laurent-Dona Fologo, mégaphones des princes) ; cette Côte d’Ivoire ennuyeuse que nous avions à cœur de refonder pour créer un Etat moderne, sous la guidance éclairée d’un certain Gbagbo Laurent alerte à déceler les défaillances du régime d’alors ; Gbagbo, le verbe insolent, le front luisant de sueur batailleuse, la poitrine intrépide et courageuse comme celle d’un guerrier de l’âge du feu ! Comme bon nombre d’entre nous ont dû déchanter depuis ! Et comme nous avons de la peine à retenir en nous, ce rire tragique qui trahit notre profonde déception…


Bref, revenons à notre sujet du jour : le remaniement ministériel. Je me demande ce que le chef de l’Exécutif attend pour le faire. Qu’est-ce qui pourrait même l’empêcher de le faire, si tant est qu’il ait envie de le faire ? En réalité, je ne comprends pas la logique de la longévité de ce gouvernement qui, à en croire M. Fologo le nouveau mégaphone de M. Gbagbo et de la refondation, conspire régulièrement contre ce don de Dieu qu’est Gbagbo pour la Côte d’Ivoire. Questions : y a t-il quelque chose qui oblige sérieusement M. Gbagbo à tolérer l’existence de ce gouvernement qui entraverait son action politique ? Après avoir déchiré la 1721, après s’être offert le luxe insolent de ‘‘chasser Charles Konan Banny’’, après avoir revendiqué (et obtenu de la communauté internationale) le droit à une solution endogène de la crise ivoirienne, qu’est-ce qui empêche vraiment M. Gbagbo et ses refondateurs de mettre en place le gouvernement de leur choix pour conduire leur fameux programme ?


M. Gbagbo et les refondateurs ne vont pas encore nous dire qu’ils n’ont pas pu mettre en pratique leur programme parce qu’ils ont été contrariés par les gouvernements ‘‘bâtards’’ (l’expression est de César Etou) issus de Marcoussis ! Le gouvernement issu de l’accord de Ouaga est, en toute logique politique, celui mis en place volontairement et sans contrainte aucune de nulle part, par le chef de l’Etat ivoirien et son élève et ami, Soro, qui s’opposa à lui, à travers une rébellion meurtrière dont les réelles motivations sont à découvrir et restent à être analysées par l’histoire...


Le dire ou… périr : je suis tout à fait d’accord avec le chef de l’Etat (aucun Ivoirien ne dira que c’est une habitude chez moi) sur la question du remaniement ministériel. Mon avis profond là-dessus est même que M. Gbagbo devra aller jusqu’au bout de sa logique en (re) mettant la Primature entre les mains de M. Affi Nguessan, et en composant un gouvernement exclusivement FPI. Il n’a aucune crainte à se faire sur ce point : la rébellion (ou ce qu’il en reste aujourd’hui) ne peut plus effrayer le moindre peloton des Fanci. Ensuite, elle s’est suffisamment discréditée aux yeux de l’opinion nationale aussi bien qu’extérieure, pour que M. Gbagbo puisse lui porter l’estocade sans que cela n’émeuve personne : l’opinion extérieure et les Ivoiriens lucides ont fini par comprendre que cette rébellion n’a finalement été qu’une de ses fâcheuses duperies politiques que les bégaiements de l’histoire ont l’art d’offrir aux opportunistes qui ont du flair…


Le dire ou… périr : le remaniement ministériel, s’il a vraiment lieu, aura à mon sens, trois grands mérites : clarifier la carte politique en imposant une ligne Maginot entre la classe dirigeante et la classe opposante ; ôter à M. Gbagbo et aux refondateurs, l’alibi de l’échec ou de la responsabilité partagé (e) ; enfin, c’est, je le pense, l’opposition elle-même qui bénéficiera de ce remaniement, car désormais libérés du chantage des ‘‘postes ministériels bonbons’’, les ministres du RHDP se réconcilieront avec leurs partis d’origine, retrouveront leurs militants pour agir activement dans l’opposition, sans plus le poids et la contrainte du devoir de réserve et de la solidarité gouvernementale.


In Le Nouveau réveil du 20 juillet 2008