lundi 8 septembre 2008

Gouvernements bonbons

Mi kissié tchin angounda
Ma parole du lundi


Le dire ou… périr. La manière dont les uns et les autres (les politiciens et les journalistes politiques de notre pays) posent la question du prochain remaniement ministériel me paraît manquer de raison, de bon sens républicain et d’approche progressiste, sinon évolutionniste : ce remaniement, en effet, est perçu comme une mesure à l’encontre de l’opposition. Et l’on suspecte même le chef de l’Etat (qui, depuis la signature de l’accord de Ouga, a retrouvé son manteau de Président de la République — l’a-t-il d’ailleurs jamais perdu) de vouloir faire entrave au processus devant aboutir à la prochaine présidentielle, en envisageant la dissolution du l’actuel gouvernement. Et c’est tout juste si au RHDP, l’on ne crie pas au complot. Disons-le tout net : n’exagérons pas !...


Le gouvernement sera-t-il dissous ou non ? Suspens de grand feuilleton ! « Soro et Gbagbo s’entredéchirent à propos de la dissolution du gouvernement ». « Conseil de ministres, le Président Gbagbo déclare : j’étais venu pour dissoudre le gouvernement ! » Et les journaux du pays d’illustrer cette déclaration avec une photo de notre chef-bien-aimé dans une des postures qui le caractérisent le plus : le sourire banania ! Et tout le pays vit au rythme de ces niaiseries qui ne sont pas sans nous rappeler l’époque si reculée et si proche d’Houphouët, l’homme qui faisait et défaisait les destins ; Houphouët, celui par qui le bonheur était possible et en dehors de qui, rien ne pouvait être possible dans notre Côte d’Ivoire d’hier aux pratiques politiques moyenâgeuses (les motions de soutien, les serments d’indéfectibles attachement à la personne du chef, etc., les mystifications verbales de Balla Kéita et Laurent-Dona Fologo, mégaphones des princes) ; cette Côte d’Ivoire ennuyeuse que nous avions à cœur de refonder pour créer un Etat moderne, sous la guidance éclairée d’un certain Gbagbo Laurent alerte à déceler les défaillances du régime d’alors ; Gbagbo, le verbe insolent, le front luisant de sueur batailleuse, la poitrine intrépide et courageuse comme celle d’un guerrier de l’âge du feu ! Comme bon nombre d’entre nous ont dû déchanter depuis ! Et comme nous avons de la peine à retenir en nous, ce rire tragique qui trahit notre profonde déception…


Bref, revenons à notre sujet du jour : le remaniement ministériel. Je me demande ce que le chef de l’Exécutif attend pour le faire. Qu’est-ce qui pourrait même l’empêcher de le faire, si tant est qu’il ait envie de le faire ? En réalité, je ne comprends pas la logique de la longévité de ce gouvernement qui, à en croire M. Fologo le nouveau mégaphone de M. Gbagbo et de la refondation, conspire régulièrement contre ce don de Dieu qu’est Gbagbo pour la Côte d’Ivoire. Questions : y a t-il quelque chose qui oblige sérieusement M. Gbagbo à tolérer l’existence de ce gouvernement qui entraverait son action politique ? Après avoir déchiré la 1721, après s’être offert le luxe insolent de ‘‘chasser Charles Konan Banny’’, après avoir revendiqué (et obtenu de la communauté internationale) le droit à une solution endogène de la crise ivoirienne, qu’est-ce qui empêche vraiment M. Gbagbo et ses refondateurs de mettre en place le gouvernement de leur choix pour conduire leur fameux programme ?


M. Gbagbo et les refondateurs ne vont pas encore nous dire qu’ils n’ont pas pu mettre en pratique leur programme parce qu’ils ont été contrariés par les gouvernements ‘‘bâtards’’ (l’expression est de César Etou) issus de Marcoussis ! Le gouvernement issu de l’accord de Ouaga est, en toute logique politique, celui mis en place volontairement et sans contrainte aucune de nulle part, par le chef de l’Etat ivoirien et son élève et ami, Soro, qui s’opposa à lui, à travers une rébellion meurtrière dont les réelles motivations sont à découvrir et restent à être analysées par l’histoire...


Le dire ou… périr : je suis tout à fait d’accord avec le chef de l’Etat (aucun Ivoirien ne dira que c’est une habitude chez moi) sur la question du remaniement ministériel. Mon avis profond là-dessus est même que M. Gbagbo devra aller jusqu’au bout de sa logique en (re) mettant la Primature entre les mains de M. Affi Nguessan, et en composant un gouvernement exclusivement FPI. Il n’a aucune crainte à se faire sur ce point : la rébellion (ou ce qu’il en reste aujourd’hui) ne peut plus effrayer le moindre peloton des Fanci. Ensuite, elle s’est suffisamment discréditée aux yeux de l’opinion nationale aussi bien qu’extérieure, pour que M. Gbagbo puisse lui porter l’estocade sans que cela n’émeuve personne : l’opinion extérieure et les Ivoiriens lucides ont fini par comprendre que cette rébellion n’a finalement été qu’une de ses fâcheuses duperies politiques que les bégaiements de l’histoire ont l’art d’offrir aux opportunistes qui ont du flair…


Le dire ou… périr : le remaniement ministériel, s’il a vraiment lieu, aura à mon sens, trois grands mérites : clarifier la carte politique en imposant une ligne Maginot entre la classe dirigeante et la classe opposante ; ôter à M. Gbagbo et aux refondateurs, l’alibi de l’échec ou de la responsabilité partagé (e) ; enfin, c’est, je le pense, l’opposition elle-même qui bénéficiera de ce remaniement, car désormais libérés du chantage des ‘‘postes ministériels bonbons’’, les ministres du RHDP se réconcilieront avec leurs partis d’origine, retrouveront leurs militants pour agir activement dans l’opposition, sans plus le poids et la contrainte du devoir de réserve et de la solidarité gouvernementale.


In Le Nouveau réveil du 20 juillet 2008


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