samedi 10 mai 2008

Les désespérances d'une refondation mauvaise (4)

L’épineuse question de la diaspora

Des cadres brillants, comme je te le dis, Denis. Mais, aucune intention de retourner au pays ne les habite. Et je t'avoue que j'ai partagé et même, encouragé leurs positions sur cette question : qu'est-ce que la Côte d'Ivoire d'aujourd'hui, la Côte d’Ivoire de Gbagbo et des prédateurs de nos richesses, cette Côte d'Ivoire des crimes, du culte du sang, de la médiocrité, de la saleté, de l'insécurité, de l'indiscipline, cette Côte d’Ivoire des charlatans déguisées en pasteurs, cette Côte d’Ivoire du vacarme et de la fainéantise, ce pays du vagabondage politique et de la déchéance éthique, a à offrir à des cadres compétents, aux formations achevées, instruits et éduqués à une haute culture du travail, de l'effort, du rendement, de la performance et de la compétitivité ? Encore rien. Rien d'autres que d'ennuyeux reportages ‘‘présidentiels’’ télévisés, des articles insipides de journaux animés par des griots au langage vacillant et malhabile. Rien d’autres que des grognements tympanisants appelés ‘‘zouglou’’, ‘‘coupé décalé’’, ‘‘danse de la grippe aviaire’’, ‘‘danse du cochon’’, ‘‘danse du cafard’’, ‘‘danse de...’’ N'importe quoi ! Inouï ! Bref : rien qu'une « Société absurde », comme en dit l'essayiste et ami, Ernest Kakou Tigori...

Au contraire de la diaspora asiatique, cette diaspora ivoirienne ne constitue pas, cependant, une force, à San Francisco. Elle ne pèse d’aucun poids sur les décisions des gouvernants, parce qu’elle est faible, économiquement. Ses membres sont, individuellement, des gens hors des besoins primaires, certes ; mais, il manque à toute l’organisation, ce qui fait la force de la diaspora asiatique : la solidarité agissante, autour d’un idéal : être forts, pour vaincre. J’ai visité Chinatown. Impressionnant ! A San Francisco, comme à Los Angeles, et à Paris, le constat reste le même. Triste, désolant : en moins de temps de présence en Occident que les Africains, les Asiatiques se sont bâtis de véritables puissances financières, un lobbying, une représentativité politique et symbolique. Aujourd’hui, à Paris, ce sont les Chinois qui détiennent le monopole de la vente des produits africains aux consommateurs ; ce sont eux qui maîtrisent le circuit d’écoulement de ces produits. Des produits africains. Où sont les Africains ? Où sont les Ivoiriens ? Quand aurons-nous nos ‘‘ African town’’ ou nos ‘‘Ivoire town’’, en Europe ?...

Denis, ces cadres ne retourneront pas au pays ; du moins, pas dans les conditions actuelles. Du coup, se trouve posée, la tragique question de l’utilisation du matériel humain — le capital le plus fondamental dans le développement d’un peuple. Hier, sous le règne du patriarche que ma génération (elle est aujourd’hui au pouvoir) avait contesté, nous avions, tout de même, réussi, sinon à construire un grand pays, du moins, poser les bases de notre développement grâce à une programmation intelligente et visionnaire du capital humain. Oui, le « Miracle ivoirien » n’a été possible que parce que, de tous les pays de la sous région, la Côte d’Ivoire était le seul qui avait gardé sur place ses cadres, ses technocrates. Le matériel humain était bon, compétent et performant. Ceux que les gouvernants avaient envoyés au-delà les mers pour chercher le savoir, sont rentrés au pays pour y investir leurs savoirs.

Cela fut ainsi, parce que l’homme qui nous dirigeait, avait compris que le premier investissement à faire, pour développer un pays, c’est l’investissement cérébral, pour constituer un bon CAPITAL INTELLIGENCE. Le café et le cacao n’étaient, en fait, que des moyens ponctuels, pour régler des problèmes immédiats. On comprend donc pourquoi Félix Houphouët-Boigny avait tant investi dans la création de Centres de recherches scientifiques, dans le domaine de l’Agriculture. Les succès de notre pays dans la recherche sur le palmier à huile sont là, pour confirmer notre thèse. Et même si « Le succès de ce pays repose (ait) sur l’agriculture » — c’était un spot publicitaire célèbre de l’époque —, Houphouët avait compris que cette agriculture ne pouvait être performante que soutenue par la recherche scientifique. L’importation (malheureusement massive) de la main d’œuvre étrangère, a hypothéqué ou retardé les chances de mécanisation de notre agriculture. Mais l’intention et les bases de cette mécanisation étaient, au moins, là…

Aujourd’hui, il ne reste rien de tout cela que le bradage de notre richesse cacaoyère et caféière à des prédateurs du milieu agricole, et à des razzieurs appelés abusivement « rebelles », qui vendent ces richesses à des pays receleurs, qui n’en produisent pas. Et ce sont ceux-là, aujourd’hui, qui dirigent la Côte d’Ivoire, se baladent tranquillement à Abidjan, dans des cortèges de cylindrées et de blindés, acquis au prix de la sueur d’honnêtes travailleurs ! Sirènes d’enfer, cortèges noirs, vestes et cravates ! Je vous salue, roitelets nègres ! Je salue vos crimes nocturnes, vos médiocrités, vos ignorances bien rémunérées !…

0 commentaires: