lundi 14 avril 2008

L'agression policière contre Laurent Pokou (3)

Le sens d’un pardon

Ce qui est arrivé à Laurent Pokou doit permettre aux Ivoiriens de savoir qu’aucun d’entre nous n’est à l’abri de la folie de toutes ces gens en armes (policiers, gendarmes, militaires, milices, etc.) qui prospèrent sous ce régime incapable d’assurer la sécurité de l’honorable citoyen, à plus forte raison, celle du citoyen moyen et anonyme. Le cas de Laurent Pokou a été su ; et il a ému toute la Côte d’Ivoire ainsi que des milliers de personnes à travers le monde, car l’homme fut une célébrité et demeure une personnalité attachante — Pokou est un monsieur bien, gentil, sympathique.

Mais combien de citoyens anonymes ne font-ils pas les frais des agents de police ? Combien n’en feront-ils pas de même, aujourd’hui et demain ? Venance Konan a déjà eu à rapporter dans un de ses reportages, le cas émouvant de cette femme enceinte, que des policiers ont laissé mourir sur une de nos routes, sous prétexte qu’elle n’avait pas de… cartes d’identité ! Elle était à terme et on la conduisait dans un centre hospitalier ! Il avait indiqué l’autoroute où s’était passée cette scène, l’heure approximative, espérant par là, que des sanctions seraient prises contre les criminels. Rien ! Sous la refondation, le régime de l’impunité, que peut-il se passer ? Rien !!!

Laurent Pokou et sa famille ont dit qu’ils pardonnaient à (aux) l’agresseur (s). L’acte est certainement d’un grand symbolisme chrétien. Mais l’homme de lettres que je suis, ne peut s’empêcher de faire une autre lecture de ce pardon aux senteurs de sacrifice tout aussi symbolique : A l’Etat civil, Laurent Pokou porte aussi le nom Konan. J’ai déjà eu à signaler dans un de mes livres que des textes oraux attribuent aussi ce nom (Konan) à l’enfant que la Reine Pokou a sacrifié aux génies du fleuve furieux. L’homme porte donc deux noms symboliques : celui de la reine des Baoulé (Pokou) et celui du fils sacrificiel et sacrifié (Konan). Du temps épique de ses buts magiques et de ses dribbles et passes ensorcelés, on l’appelait l’Empereur baoulé3. Comme dans la légende, l’ex-gloire de notre footballeur a-t-il pris le parti de faire le sacrifice de son ego (son honneur bafoué), pour sauver tous ceux des Ivoiriens victimes potentiels de la barbarie de nos forces de l’ordre ? Peut-être, peut-être...
Pardonner, oui. Mais pour quel gain ? Quel sens aura ce pardon si ces pratiques continuent ?

J’ai appris que le chef de l’Etat s’apprête à rendre visite au célèbre footballeur, pour lui apporter son réconfort. Le geste est à saluer, s’il ne se perd pas dans la récupération politicienne. Ce geste est à encourager, à condition toutefois qu’il ait un sens salutaire et profitable aux Ivoiriens : que cette visite soit pour le chef de l’Etat, l’occasion et le prétexte de DECLARER HAUT et FORT, comme acte prohibé par la loi, les barrages routiers — absolument inadmissibles et porteurs de conflits entre les policiers et les automobilistes en même temps que facteurs de rackets.

Oui, si ce qui est arrivé à Laurent Pokou peut déboucher sur la fin des barrages routiers, des contrôles policiers intempestifs et inutiles, du racket abject, des agressions régulières et impunies des forces de l’Ordre sur les citoyens de ce pays, alors, alors le pardon de l’Empereur baoulé aura un sens. Sinon, nous les admirateurs inconditionnels de cet homme (et nous sommes des milliers et des milliers à travers le monde entier), nous maintiendrons notre plainte (que nous avons déjà rédigée) contre l’agresseur ; et nous en déposerons aussi une autre contre l’Etat de Côte d’Ivoire devant les tribunaux, pour pratiques terroristes sur la personne de Monsieur Laurent Pokou, ancienne gloire du football africain, modèle et référence pour des générations d’Ivoiriens et de passionnés du football à travers le monde.

Post-scriptum : Tiburce Koffi est coauteur, avec un Breton du nom de Jean-Yves Augel, d’une biographie en voie d’écriture, sur « Laurent Pokou, le buteur magique », (titre provisoire).

Note:
3/ C’est le journaliste guinéen, Boubacar Kanté qui, je crois, lui a donné ce merveilleux surnom.

1 commentaires:

Anonyme a dit…

lumineux comme toujours les propos d'un Tiburce koffi. j'ai toujours et de tous temps pensé qu'un intellectuel doit posséder une certaine technicité de peindre des faits et une certaine liberté d'âme de ne pas les déformer; tiburce merci