jeudi 20 mars 2008

Crise ivoirienne (6) : Accord de Ouaga, redéploiement - Les contre vérités et inélégances de Gbagbo : M. Gbagbo et les libertés citoyennes

M. Gbagbo, qui se réclame du socialisme, menace des travailleurs grévistes de radiation. A la question à lui posée par un des journalistes réalisateurs de l’interview, à propos des libertés citoyennes et du droit de grève, le chef de l’Etat qu’il est, répond ceci. « Oui, je suis un défenseur des libertés et continue de le faire. Mais je ne suis pas pour la mort de mon pays. Il y a des moments où il faut savoir faire les choses. Nous définissons nos libertés dans le cadre de la République de Côte d’Ivoire. Si la République de Côte d’Ivoire n’existe plus, qu’elle s’effondre, l’Etat s’effondre, les institutions de la République s’effondrent. (…) Chacun a ses instruments de combat. Mon rôle est de défendre la Constitution, les libertés, le droit de grève mais c’est aussi défendre, avant tout, l’Etat de Côte d’Ivoire ».

Propos étonnant de la part de quelqu’un dont l’action, quand il était dans l’opposition, avait toujours été de bloquer le fonctionnement de l’appareil républicain : empêcher l’Assemblée nationale de siéger ; empêcher des citoyens de faire usage de leur droit de vote (boycott actif), paralyser l’administration et l’économie du pays — opérations villes mortes, marches intempestives, etc., et tant de ces choses qu’il faisait contre les régimes qui l’ont précédé. Finalement, à écouter cet homme, on se rend compte que, pour lui, la République et l’Etat n’existent que lorsqu’il est, lui, au pouvoir, mais pas quand les autres sont au pouvoir.


M. Gbagbo s’autoproclame, dans cette interview, un défenseur des libertés. Ainsi quand il fait gazer, à Yopougon et à Adjamé, des ménagères qui manifestaient contre la cherté de la vie, il démontre son attachement aux libertés citoyennes. Quand son régime répressif jette, à Vridi, sur des victimes des déchets toxiques qui manifestaient pour réclamer plus de justice à leur égard, des chiens dressés pour mordre (et ils ont effectivement mordu les manifestants — comme cela se faisait contre les Noirs sous le régime raciste de l’apartheid), M. Gbagbo se montre là, comme un garant des libertés. Quand il fait brûler les imprimeries et les sièges des journaux de l’opposition, il se montre protecteur des libertés citoyennes. Quand le faible Assalé croupit à la Maca pour avoir dénoncé ce que tout le monde sait dans ce pays, et que le chef de l’Etat qu’il est se montre sourd à toutes les interventions et appel à la libération de ce jeune homme, M. Gbagbo se montre gardien de nos libertés. Inouï !!!


Quand le pr Alexandre Ayé Ayé est injustement détenu à la Maca pour tentative (non prouvée) de coup d’Etat, M. Gbagbo nous donne là aussi, les preuves de son attachement aux liberté citoyennes. M. Gbagbo se moque vraiment de nous.


Enfin, la meilleure — ou la pire, pourrait-on dire. A propos de l’utilisation abusive des medias d’Etat au détriment de l’opposition et pour la promotion de son image personnelle, M. Gbagbo nous assène un véritable coup de massue : «
Il y en a qui ne sont pas président, et ils veulent passer à la télévision comme s’ils étaient présidents. Il y en a qui voudraient même à la limite faire des messages de chef de l’Etat à ma place. Bon, il faut leur dire d’attendre les élections et puis on va voir. S’ils sont élus, on verra ; s’ils ne sont pas élus, ils attendront cinq ans encore (4) ».

Soit ! Mais je voudrais, ici, inviter les Ivoiriens à lire ce que M. Gbagbo disait à l’encontre de M. Bédié, au sujet de l’utilisation des medias d’Etat. Non, chers concitoyens, vous n’en reviendrez pas ; lisez avec moi :
« Les medias d’Etat font montre d’indignité en Côte d’Ivoire. Ceux qui animent la radio et la télévision se montrent inféodés au PDCI. Je n’avais jamais pensé qu’à l’heure du multipartisme, des Ivoiriens occupant ces postes-là se conduiraient de cette manière. Je suis vraiment indigné par leur comportement (...) Je parle de faits (…). Je vous dis que la radio et la télévision sont à la dévotion du parti au pouvoir. Vous ne pouvez pas ouvrir (sic !) la télévision sans voir la tête de Bédié ou encore un défilé du PDCI. C’est indigne. Totalement indigne (5) ».

Vous n’en revenez pas, hein ? Eh oui, c’est bien Gbagbo Laurent qui tient ces propos.
On peut conclure sur cette note, en paraphrasant le célèbre chanteur : « Est-ce que cet homme est sérieux ? ».

Note :
4/ Quotidien Soir INFO N° 4053 du jeudi 06 mars 2008, p.6.
5/ Laurent Gbagbo, in Le temps de l'espoir, Entretiens avec Honoré de Sumo, Johannesbourg, les Editions continentale, 1995,

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