mardi 11 mars 2008

Lutte contre l'Insalubrité (1): soutenir et dénoncer MEL Théodore

Il y a de cela quelques semaines, de nombreux journaux de la place avaient affiché à la une, un fait qui, dans un pays normal, aurait dû relever du « fait divers banal, mais qui, dans notre pays, a pris des allures d’affaire grave : une opération d’assainissement urbain menée à Adjamé, sous l’autorité du ministre Mel Théodore, chargé de l’amélioration de notre cadre de vie. Ce n’est pas la première fois qu’un maire de la ville d’Abidjan se plaint de la conduite d’une telle opération ; et il me souvient que Mme le maire de Port-Bouët avait, elle aussi, protesté contre la démolition (par les services du gouverneur du District d’Abidjan, Pierre Amondji), des taudis qui participaient du ‘‘décor’’ urbain et insolite de sa commune.

La question de la gestion de nos cités urbaines par nos maires se trouve, une fois de plus posée. Citoyen de mon pays, et n’ayant jamais eu de cesse de m’insurger de manière outrancière contre l’insalubrité choquante de nos villes (principalement Abidjan) et la ‘‘ghettoïsation’’ qui lui est consécutive, je ne saurais rester muet devant l’avalanche de propos déplacés que le maire d’Adjamé a adressés à l’encontre du ministre Mel Théodore, suite à la récente opération qu’il a menée dans le quartier nommé. Que reproche l’illustre magistrat de cette commune au ministre Mel Théodore ?

(Re) lisons les propos de ce maire : « Mel est passé, il a détruit les magasins des citoyens qui n’ont rien demandé à l’Etat, ni rien fait. (…) Les jeunes qui sont sur le trottoir sont nos diplômés qui viennent de l’université. Certains ont la licence, d’autres la maîtrise et le gouvernement n’ a rien n’a pu leur²trouver du travail. Nous leur avons permis de s’installer sur le trottoir pour vendre les téléphones cellulaires. (…) Mel demande qu’on les enlève sur le trottoir, où vais-je les mettre ? (…) ».

Oui, vous avez bien lu ! Si je comprends bien M. le maire d’Adjamé, le trottoir est le seul endroit, dans une cité urbaine comme Adjamé, où des vendeurs peuvent exercer leurs commerces. Quel est donc l’espace qui est laissé aux piétons ? De ce qui ressort de sa réaction, le ministre Mel a, effectivement, pris soin d’informer l’autorité concernée – le maire qu’il est. Mais le premier magistrat de cette cité entendait régler cette question par « le dialogue ». Il ne nous dit pas quelles sont les démarches qu’il a entreprises lui, pour faire déguerpir des trottoirs, les occupants illégaux de ces espaces si importants dans la vie d’une cité urbaine. Je le répète : les trottoirs ne sont pas des lieux de commerce…

Bref, au-delà de toutes les spéculations possibles que nous pouvons faire sur cette opération, il y a une évidence que nous devons comprendre : dans ce pays, on a fini par nous accommoder du fait anormal ; on a fini par travestir l’illégal en droit. On a surtout fini par composer avec la saleté, l’insalubrité, le désordre, l’anarchie, la laideur urbaine ; on a fini par renoncer à la qualité de la vie qui signe la différence entre l’être humain et l’animal. Et M. le maire d’Adjamé, comme tous les autres maires de ce pays, notamment ceux d’Abidjan, s’est installé tout tranquillement dans la conviction qu’il a le droit d’avoir une commune sale, désordonnée, sans foi ni loi. Une commune de la vie impossible et absurde. Et gare à celui qui voudrait y mettre de l’ordre !

Il n’y a ainsi plus de trottoirs à Abidjan. Notre capitale est devenue une ville marchande, une ville boutique. Chaque maire se fait même un point d’honneur à ‘‘ghettoïser’’ sa commune et à la transformer en un marché. Ne parlez pas d’espaces verts à Adjamé, Treichville, Marcory, Port-Bouët, etc., même à Cocody le quartier de la bourgeoisie ivoirienne. Tout est devenu espace de commerce ; en somme, de recherche d’argent : l’argent, la seule chose que ce régime aime et à laquelle il éduque ce peuple.

Sur les campus et autres résidences universitaires, l’activité principale est à la construction d’espaces de beuverie et de dépôts de boissons alcoolisées, pour gagner de l’argent. Sur nos artères, les policiers placent des pneus pour empêcher les citoyens de rouler, afin de pouvoir les racketter : ils cherchent de l’argent. Choquante, est l’activité commerciale développée autour de la ‘‘Cité rouge’’, de la ‘‘Cité Mermoz’’ et du campus de Cocody. Ces résidences sont devenues des marchés communaux, et le maire des lieux semble veiller à en bien conserver l’insalubrité, à cultiver toute la tradition du vacarme qui y règne, ainsi que le désordre qui vous y accueille.

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