lundi 17 mars 2008

Présidentielle 2008 ( ?) (5): le plan des refondateurs (4) - Le capital tribu

Je viens d’apprendre que Laurent Gbagbo ira passer la fête de Pâques en pays baoulé, précisément en terre kodê (Béoumi). L’affaire aurait été scellée par Amani Nguessan. L’opération consistera ici à le présenter comme l’ami des baoulés — comme s’il était nécessaire d’être aimé d’une tribu particulière, quand on est à la tête d’un Etat. Ceci est du primitivisme politique. Les opérations de charme, pour conserver le pouvoir ! Voilà tout le souci de cet homme. Peuples du centre, accueillez-le ; accueillez-le bien comme il sied dans nos traditions africaines de réserver un bon accueil à celui qui vient vous visiter. Mais ne croyez pas un seul des nombreux et gras sourires (il en a l’art) qu’il vous distribuera, car il sera allé chez vous uniquement pour chercher des électeurs, des voix, et non point par amour particulier pour vous. Après les élections, vous ne l’intéresserez plus. Déjà, opposant, il disait, plein de réalisme et de cynisme : « Je cherche des électeurs, non des militants ». Il vous donnera aussi de l’argent, beaucoup d’argent. Il n’a pas travaillé pour gagner cet argent, et il n’a jamais produit de la richesse. Prenez tout ce qu’il vous donnera — pour altérer un peu votre misère. De toute façon, c’est l’argent de la sueur du peuple de Côte d’Ivoire. Prenez, mais ne votez pas pour lui. Il est l’auteur de vos malheurs.

Bref, revenons à notre scénario — qui est loin d’être un puéril scénario. Au cours de ces élections, que se passera-t-il dans le pays baoulé ? C’est simple : à Bouaké et dans les villages environnants, la population baoulé sera interdite de vote par la milice de Guillaume Soro, commise à cette fin. Laurent Gbagbo n’est plus pressé de voir Soro désarmer ses troupes, à Bouaké, Man, Duékoué, etc. Que Soro maintiennent les baoulé, les wê et les guéré (nombre d’entre ces derniers sont d’ailleurs acquis à la cause du PDCI et de l’UDPCI) sous le joug des armes, aussi longtemps qu’il le voudra, pense en réalité Gbagbo. Dans tous les cas, ce n’est pas lui, Gbagbo, qui en souffre. Daloa, Gagnoa, Mama, etc., ne sont pas aux mains des rebelles !

A Bouaké, le scénario sera à peu près le même que dans le pays bété : les baoulé opposeront une résistance à ceux qui voudront les empêcher d’aller donner leurs (nombreuses) voix au candidat de leurs choix. Troubles donc. La milice de Soro tirera sur la foule. Les troubles gagneront en intensité. Gbagbo aura ici, deux possibilités : prétexter de la situation d’insécurité au Centre pour légitimer (il en rêve) une descente militaire des FANCI, ou laisser à Soro, la tâche de pacifier la résistance (ou la rébellion) du Centre. La première voie lui donne l’occasion de rétablir l’autorité de l’Etat dans cette zone sous occupation illégale : sous le prétexte des troubles qui s’y dérouleraient, Gbagbo pourrait ordonner des opérations militaires d’épuration (et d’envergure) et réaliser, conséquemment, le même tableau apocalyptique qu’on aura vu à l’ouest : le massacre des baoulé. Il pourrait le faire d’autant plus qu’il pense qu’il ne sera accusé de quelque tuerie que ce soit, dans la mesure où le ministre de la Défense répond du nom d’Amani Nguessan. Un authentique baoulé. Gbagbo, habile, aura donc eu beau jeu de dire : « Ce n’est pas moi qui ai ordonné les descentes militaires dans le pays baoulé ; c’est le ministre de la défense, lui-même baoulé ». C’est une des raisons (peut-être même la plus essentielle) pour laquelle, Michel Amani Nguessan occupe ce poste… qu’il ne dirige même pas : tout ivoirien sait qu’il est, en réalité, détenu par Gahé Bertin et Lida Kouassi. Voilà le piège qui attend Amani.

Mais une victoire militaire des FANCI à Bouaké (chose facile aujourd’hui) n’intéresse plus réellement Gbagbo, car elle compliquerait les plans d’alliance avec Soro. C’est pourquoi il laissera à Soro et ses miliciens, le soin de mater la rébellion du Centre. Dans un cas comme dans l’autre, les tueries les plus importantes se feront à Bouaké et dans le pays bété.

Au total : les baoulé, poids important dans l’électorat akan du RHDP, devront être privés de possibilités de vote. En octobre 2000, sur inspiration des refondateurs, Robert Guéi, avec la complicité du président du Conseil constitutionnel, Tia Koné, avait éliminé de la compétition électorale, non seulement les candidats (Bédié et Ouattara) les plus représentatifs à ces élections, mais aussi, TOUT candidat susceptible d’avoir le suffrage de l’électorat PDCI ou du RDR ou des deux réunis. Pour l’élection à venir, Gbagbo n’a aucune possibilité de faire éliminer qui que ce soit ; et Tia Koné, ni celle de gloser sur la recevabilité d’aucune candidature : Ouattara et Bédié sont protégés par Marcoussis. Une seule possibilité de tricher est laissée à Gbagbo : empêcher les baoulé de voter. Il n’a pas peur de l’électorat du Nord : Mamadou Koulibaly, aidé en cela par l’inertie de Ouattara et de la plupart des ministres RDR (occupés à s’en mettre plein les poches), est en train de faire un beau travail dans le Nord du pays en déstabilisant de nombreuses bases de ce parti, au bénéfice du FPI. La récente razzia à Bouaflé, illustre bien mes propos.

Aux opérations d’obstruction déjà signalées, il faudrait ajouter celles de vandalisme et d’épuration, conçues par les refondateurs.

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