samedi 29 mars 2008

La gestion de l’accord de Ouaga

REACTION DE TIBURCE KOFFI A L’INTERVIEW DE SORO GUILLAUME (1)

Dans sa livraison du 16 au 22 mars 2008, Jeune Afrique nous a permis de lire une interview de l’actuel Premier ministre de Côte d’Ivoire, Soro Guillaume. Le texte, intitulé « Les vérités de Guillaume Soro », a dû retenir l’attention de nombreux ivoiriens qui, comme moi, s’intéressent de très près à la politique qui a cours sans leurs pays. Cette interview, quoique professionnellement bien menée (en ce sens qu’elle a veillé à toucher à des questions essentielles de la vie politique des Ivoiriens, en plus du fait que le journaliste n’a, à aucun moment de sa démarche, franchi la ligne de neutralité indispensable à la conduite d’une interview), mérite cependant qu’on s’y arrête pour questionner encore les réponses non satisfaisantes, poser les questions non posées, et dire le discours, libre, que le cadre d’une interview ne pouvait accorder au journaliste. Commençons par n’importe lequel des points abordés.

1 – De l’accord de Ouaga
M. Soro, à l’instar du chef de l’Etat Laurent Gbagbo, en est satisfait — le contraire aurait d’ailleurs étonné plus d’un ivoirien. Je note pour ma part la concomitance de leurs propos, comme s’ils s’étaient entendus pour faire diffuser dans des organes différents, ces satisfecit qui jurent cependant avec la réalité des faits et les sentiments de la population. Je rappelle qu’au terme de sa durée, l’accord de Ouaga devait amener le peuple ivoirien aux urnes, à l’issue de la réalisation de plusieurs étapes définies par un échéancier clair et précis. On sait qu’aucune de ces échéances n’a été respectée ; mais on sait surtout que la durée de cet accord a expiré sans que son but ultime soit atteint. En matière d’évaluation, on appelle cela « objectif non atteint ». Par rapport à l’horizon d’attentes et d’espoirs (personnellement, je n’en avais pas) suscités par cet accord, on dit tout simplement qu’on a échoué.

Un échec que l’on pourrait expliquer ou même excuser ; toujours est-il que c’est un échec parce qu’on n’a pas atteint l’objectif qui, je le répète était de faire se tenir les élections. Pourquoi et comment donc MM. Soro et Laurent Gbagbo, peuvent-ils nous abreuver de satisfecit et nous faire croire que Ouaga a rempli la mission qu’il s’était donné ? Pourquoi ne pas reconnaître objectivement cet échec, en déterminer froidement les causes et tirer sereinement les conséquences de cette situation afin d’en envisager une meilleure approche ?

Comme M. Gbagbo son allié, M. Soro persiste et signe : Ouaga est une réussite. Examinons les raisons qu’il nous expose pour justifier son satisfecit.

A propos du gouvernement, M. Soro note : « Le gouvernement que je dirige a une particularité : il est composé de représentants des six plus grandes forces politiques du pays. Prétendre que cette équipe a échoué revient à dire que l’ensemble de la classe politique ivoirienne a échoué. »

Pour tout ivoirien, il ne fait aucun doute que la classe politique ivoirienne a effectivement échoué ; et il n’y a vraiment que M. Soro seul, pour soutenir la thèse contraire. La matérialisation indiscutable de cet échec, est ce pays délabré physiquement, économiquement et surtout, sur le plan éthique. Mais, pour les Ivoiriens, la preuve la plus parlante de l’échec de la classe politique ivoirienne est cette rébellion qui a balafré le pays, meurtri le corps, l’esprit et l’âme de ses habitants ; cette rébellion dont un des plus violents porte-parole se nomme Soro Kigbafori Guillaume. Et il est plus que jamais important que ce dernier sache que, n’eût été la peur de se faire tuer par les rebelles (qui tiennent toujours sous le joug des armes nos populations du Centre, du Nord et de l’ouest montagneux) et par les hommes de Gbagbo (qui sévissent en zones sous contrôle gouvernemental), il y a longtemps que ce peuple, las des inconduites et irresponsabilités de cette classe politique, aurait envahi les pavés pour hurler à la face du ciel, son refus, tout son refus de la voir présider encore aux destinées de ce pays.

Oui, M. Soro Guillaume, je puis vous dire et redire que le peuple de Côte d’Ivoire est vraiment fatigué de cette classe politique qui a ECHOUE, en signant son passage par mille et un manquements civiques, étatiques et éthiques. N’entendez-vous pas les ritournelles des chansons zouglou qui, presque toutes aujourd’hui, se font l’écho des déceptions de ce peuple las de vos régences brouillonnes, violentes, traumatisantes et improductives ? Moi, j’entends chaque jour, remonter vers moi, les plaintes et souffrances de toutes les populations de Côte d’Ivoire, même celles du Nord — qui se sont enfin réveillées de l’illusion de l’ordre nouveau que vous leur aviez promis hier en venant secouer la Côte d’Ivoire des clameurs de vos kalachnikovs. Oui, M. Soro, cette classe politique a indiscutablement échoué !

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