samedi 29 mars 2008

Les jugements supplétifs et la zone de confiance

REACTION DE TIBURCE KOFFI A L’INTERVIEW DE SORO GUILLAUME (2)

1. Les jugements supplétifs
Je me demande bien si M. Soro réalise la gravité des propos qu’il a tenus, à ce sujet : était-ce pour délivrer 380 000 malheureux jugements supplétifs à des gens de ce pays, que les enfants du Nord ont pris les armes contre ce régime et la Côte d’Ivoire ? Il me plaît ici de rappeler aux Ivoiriens, aux enfants du Nord surtout, et particulièrement à M. Soro Guillame le rebelle, que M. Charles Konan Banny, qui n’avait pourtant rien à y avoir dans cette sale crise qui nous a tous éclaboussé, était allé plus loin que Soro-le-justicier-du Nord, dans l’acte de délivrer ces pièces : sous la primature de M. Banny, les audiences foraines devraient, en effet, être sanctionnées de manière concomitante, par la délivrance d’un certificat de nationalité, afin de gagner du temps (pour qu’on puisse aller ‘’vite, vite, vite’’ aux élections certes), mais aussi et surtout, afin de réparer, concomitamment, la grave injustice qui avait justifié la rébellion : la citoyenneté ivoirienne refusée à des milliers d’entre les nôtres victimes d’une méchante discrimination administrative.

Or, que constatons-nous aujourd’hui, sur cette question précise ? Apparemment, M. Soro Guillaume, le rebelle, affiche moins d’ambition que M. Banny ; et je comprends que M. Gbagbo puisse être content et même fier de lui ; mais que M. Soro en soit lui-même satisfait, cela me paraît une attitude curieuse, voire peu sérieuse…N’est-il pas « déçu par le faible nombre de jugements supplétifs délivrés par les audiences foraines » — c’est le journaliste qui pose la question ? » M. Soro répond : « Ce sont ceux qui ont fait les estimations au départ qui doivent les revoir à la baisse. » Oui, vous avez bien lu.

Question à la réponse : qui a fait ces estimations ? Pas M. Gbagbo ni le FPI, en tout cas. Mais bel et bien ceux qui ont pris les armes, ou bien alors ceux qui ont armé les bras des enfants de ce Nord vengeur d’hier. M. le Premier ministre Guillaume Soro, à l’exercice du pouvoir, veut-il alors nous dire qu’il vient de réaliser que ses compagnons d’armes et lui s’étaient trompés ? Est-il alors en train d’inviter la rébellion à revoir ses ambitions à la baisse ? Qu’il le dise donc, clairement ! Qu’il le confesse donc, avec les mots du contrit, et qu’il achève de disqualifier cette hussarderie d’une nuit blafarde de septembre 2002 qui n’a que trop duré.

2. Le démantèlement de la zone de confiance
M. Soro fait aussi du démantèlement de la zone de confiance, un acquis positif de l’accord de Ouga, car selon lui, « la zone de confiance (…) divisait le pays en deux ». Le propos est gravement falsificateur. Rectifions donc les choses. Non, M. Soro, ce n’est pas la zone de confiance qui (a divisé) ou divisait le pays en deux. C’est la REBELLION QUI DIVISAIT et DIVISE toujours le pays en deux. Et ceci n’est pas une nuance, ni une vaine métaphore : c’est cela la réalité. La preuve de ce que je dis là, est que, depuis, le 16 avril (bientôt un an donc) que cette zone de confiance a été démantelée, les rebelles contrôlent toujours les zones qu’ils occupent, continuent de prélever des impôts, gardent leurs privilèges de seigneurs de guerre. Récemment, le général (ou colonel ou maréchal – je ne sais plus quoi) Bakayoko a lancé un appel clair et sans équivoque aux rebelles en les invitant à ne pas libérer les maisons qu’ils occupent indûment.

Pour nous Ivoiriens, la division du pays, c’est cela : cette gestion duelle de notre pays, cette administration fantaisiste et bâtarde, ces deux légalités à la fois formelles (la zone sud) et informelles (la zone sous contrôle des rebelles). Et, tant qu’au démantèlement de la zone de confiance, ne succédera pas le désarmement total et effectif de la rébellion et des milices armées de M. Gbagbo, tant que l’administration du pays entier se fera dans l’acceptation complaisante et anti-républicaine de la présence illégale des rebelles aux postes de commandes, le territoire ivoirien n’aura pas été réunifié.

Pour avoir été ministre d’Etat dans le gouvernement de M. Banny, M. Soro sait très bien que le démantèlement (qui ne posait aucun problème) de la zone de confiance était inscrit dans le programme d’action de l’ex Premier ministre. Mais, et à l’inverse de la démarche de la paire Gbagbo-Soro, M. Banny concevait ce démantèlement (facile à faire) comme un des points de l’apothéose qui sanctionnerait la paix vraiment retrouvée (par le désarmement effectif) de la rébellion et des milices de la zone gouvernementale. Le démantèlement de la zone de confiance n’est donc pas un acquis de l’accord de Ouaga. Il était déjà un acquis sous M. Banny. Evitons la récupération facile.

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